Droit de préemption : quand la justice exonère l’acheteur public des frais d’agence
Droit de préemption : une victoire judiciaire qui fait trembler les agences immobilières
Une décision de justice récente a fait l’effet d’une bombe dans le secteur immobilier : une collectivité territoriale, ayant exercé son droit de préemption, a été dispensée du paiement des frais d’agence – une somme colossale de 110 000 € dans ce cas précis. Cette affaire, qui pourrait faire jurisprudence, soulève des questions majeures sur l’équilibre des forces entre acteurs publics et privés dans les transactions immobilières.
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Le contexte : un achat public sous tension
En 2022, une commune du sud de la France active son droit de préemption urbain (DPU) pour acquérir un bien immobilier mis en vente. Le propriétaire, représenté par une agence, avait conclu un mandat exclusif incluant une commission de 5 % sur le prix de vente (soit 110 000 € pour un bien estimé à 2,2 millions d’€).
Problème : la mairie, une fois l’achat finalisé, refuse de régler ces frais, arguant que le droit de préemption – un mécanisme légal permettant aux collectivités d’acheter en priorité – ne crée pas de lien contractuel avec l’agence. Le litige atterrit devant les tribunaux.
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L’argumentaire juridique : qui doit payer ?
Les avocats de la commune ont bâti leur défense sur plusieurs piliers :
- L’absence de mandat implicite : Le droit de préemption est un droit légal, non une transaction commerciale classique. La collectivité n’a jamais signé de contrat avec l’agence. - La jurisprudence existante : Plusieurs arrêts (notamment de la Cour de cassation) ont déjà statué que les frais d’agence ne sont dus que si un lien contractuel direct existe entre le préempteur et l’intermédiaire. - L’intérêt général : Faire supporter ces coûts aux contribuables reviennent à pénaliser la puissance publique pour l’exercice d’un droit encadré par la loi.
À l’inverse, l’agence immobilière a plaidé :
- Le travail réalisé : Prospection, estimation, négociation… des services rendus même en cas de préemption. - La pratique du marché : Les frais sont traditionnellement partagés entre vendeur et acheteur, y compris dans les cas de préemption. - Le préjudice économique : Une exonération systématique menacerait le modèle économique des agences.
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Le verdict : une décision qui fait date
Le tribunal administratif a tranché en faveur de la commune, estimant que :
> « Le droit de préemption, en tant que prérogative de puissance publique, ne saurait être assimilé à une acquisition classique soumise aux règles du Code civil en matière de mandat. »
Une position qui s’appuie sur :
✅ L’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme, qui ne mentionne aucune obligation de paiement des frais d’intermédiaire. ✅ Un arrêt de 2018 (Cass. Civ. 3ème) confirmant que le préempteur n’est pas tenu aux honoraires d’agence sauf accord exprès.
Résultat : 110 000 € d’économies pour la collectivité… et un précédent qui inquiète les professionnels.
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Les répercussions : un séisme pour le secteur ?
Pour les collectivités
✔ Un levier financier : Les budgets communaux, souvent tendus, pourraient bénéficier de cette exonération. ✔ Un encouragement à préempter : Moins de freins administratifs et financiers pour sécuriser des biens stratégiques (logements sociaux, équipements publics…).⚠ Mais attention : Certaines communes pourraient craindre des représailles (moins de biens proposés à la vente par les propriétaires).
Pour les agences immobilières
❌ Un manque à gagner : Les transactions avec préemption (environ 5 à 10 % du marché dans certaines zones) deviennent moins rentables. ❌ Un risque de contournement : Certains vendeurs pourraient éviter les agences pour limiter les frais en cas de préemption.➡ Solutions envisagées : - Négocier des clauses spécifiques dans les mandats pour couvrir les cas de préemption. - Se tourner vers des honoraires forfaitaires plutôt que des pourcentages. - Lobbying pour une modification législative clarifiant la répartition des frais.
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Que retenir de cette affaire ?
🔹 Le droit de préemption n’est pas une vente comme les autres : Il relève du droit public, pas du droit commercial. 🔹 Les agences doivent adapter leurs contrats : Inclure des mentions explicites sur les frais en cas de préemption pourrait devenir crucial. 🔹 Une bataille juridique qui n’est pas terminée : L’agence concernée a déjà annoncé un recours en appel.
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Et demain ?
Cette décision pourrait inspirer d’autres collectivités à contester systématiquement les frais d’agence en cas de préemption. À l’inverse, les professionnels du secteur pourraient durcir leurs conditions pour se prémunir contre ce risque.
Une chose est sûre : le paysage immobilier vient de gagner en complexité, et les acteurs devront redoubler de vigilance pour éviter les mauvaises surprises.
Vous êtes concerné par un cas similaire ? Consultez un juriste spécialisé en droit immobilier pour évaluer vos options.